Avis sur Tourville d'Alex Jestaire
Tourville ou 775 pages d' une langue frétillante et violente, outrancière et colorée, un langage enfin à même de restituer une époque qui voit la réalité fusionner avec le simulacre médiatique.
Pour Jestaire c'est évident, dans un monde où la télévision et les échanges automatisés d'informations ont remplacé le langage, l'écriture se doit d'être à l'image de son époque.
A l'argot typique des adolescents du monde entier, déjà fortement teinté d'anglicisme, que nous connaissons tous, Alex D. Jestaire juxtapose plusieurs niveaux de langages différents : néologismes inventés et expressions tirées de séries télévisés ou de film, langage de messagerie sms, vocabulaire économique de la mondialisation, argot contemporain et jargon des banlieues, tout cela dans le but de parvenir à la création d'une langue actuelle, mutante, riche et complexe, mais également à sa critique.
Un exemple ? Sur la smsisation de la langue : "les filles se mettent sur leurs lits – elles font bon C koi stambrouil ? Je leur demande vous utilisez toujours des raccourcis texto quand vous parlez ? Elle me font C koi ton D-lir ? (…) On se calme les filles– je vois bien que vous jouez avec moi que vous pourriez vous exprimer de manière disons moins cryptique - ou alors il va falloir que je sous-titre." P.126.
Vous l'avez également remarqué, l'auteur est fâché avec les virgules et en cela il rappelle Perec (ou Djian, première période selon la grille de référence du lecteur) et ça fonctionne plutôt bien.
Son style parlé aussi dynamique que bordélique n'en est pas moins extrêmement vivant et il est souhaitable que le lecteur doté d'un minimum de patience passe sur les tics et les tropes d'écritures pour découvrir une langue frétillante et violente, outrancière et coloré, un langage enfin à même de restituer une époque qui voit la réalité fusionner avec le simulacre médiatique.
Teufeurs, métalleux et pontes du porno
La force de Jestaire est aussi d'avoir su donner la parole aux différentes tribus urbaines qui peuplent sont livre (et investissent notre société), dans l'usage continu et indifférencié d'un langage qui leur est propre. Teuffeurs, jeunes bourgeois, notable, mafieux, pontes du porno, goth-metal, nerd, toutes les communautés contemporaines sont passé au crible extravagant de Tourville.
Comme d'autre écrivains de son époque, Alex D. Jestaire parsème son texte de références et de repères connu de ses lecteurs (ou tout du moins, d'une certaine génération de lecteurs, preuve en est à la lecture d'un hilarant article du Figaro posté sur le profil myspace de l'écrivain) parfaitement compréhensible par toute une génération gavé de télé-réalité (Loft Story, Îles de la tentation, Koh Lantah, etc…), de discussion par telephone mobile interposés et de débats sur les forum informatisés, mais certainement totalement impénétrable pour une autre frange du lectorat.
à suivre...