Critique de L'Ombre en fuite de Richard Powers - Partie 2
Voici la suite de notre revue du livre L'Ombre en fuite de Richard Powers :
La détention de Taimur Martin se prolonge. Elle durera plus de mille et un jours, trois et quelques années. L'homme souffre, parle de sa vie, de son épouse Gwen, se raccroche aux branches : des promesses de libération, des compagnons invisibles de détention qui frappent au mur, un livre concédé après des mois de tractation et appris par coeur, des inventions mentales qui lui permettent de ne pas sombrer (complètement) dans la folie. Alors que la Caverne d'Adie est inscrite dans le temps (elle fait œuvre historique), celle de Taimur est une Caverne suspendue. Toutes les deux ont des vertus platoniciennes. La lanterne est posée à l'entrée et l'on peut lire les ombres et le sens de sa vie un peu partout sur les murs. L'histoire de l'otage est hypnotique, angoissante et fascinante. Celle d'Adie fait presque pâle figure à côté mais les deux, alternées tout au long des 400 pages, semblent avoir des points communs qui n'apparaîtront vraiment qu'à la fin et dans un tour de passe-passe aussi prodigieux que génial.
Les deux fils sont soutenus par une bobine qui est le temps historique. Powers est passé maître depuis quelques romans dans l'art de faire courir la grande histoire sous la petite. L'ombre en fuite est aussi celle de l'époque qui change : on entend en sourdine le Mur de Berlin s'écrouler. On entend la Guerre en Irak, son début et sa fin télévisée, la modification des positions Est-Ouest, mais tout ceci est sous-jacent comme si la force de la bobine ne suffisait pas complètement à agiter les fils qui la composent. L'Histoire est inventée. Le livre intègre quelques pages qui n'appartiennent ni à Adie, ni à l'otage et qui sont les plus belles du roman. Ce sont elles qui portent le thème général du livre sans parvenir à l'épuiser. Possible qu'une réflexion sur le temps et son caractère relatif soit au cœur de tout ça. Le temps et les hommes. Les hommes et le temps. Lien et dissensions à la fin des années 80. Mais peu importe.
Ceux qui iront jusqu'au bout auront la tête qui tourne et des paillettes dans le regard quand ils franchiront le double seuil de la basilique en ruines. Les autres iront voir ailleurs et n'auront pas tort non plus. La langue dépasse ici le propos. Quelques longueurs-scories jouent l'enluminure. C'est le principe des grandes expériences que de perdre une partie du public en route. N'importe qui peut entrer dans la caverne. Il faut un certain cran pour garder les yeux fermés durant toute la visite.
Les précédents romans de Richard Powers (Le temps où nous chantions,
Daniel Quinn est un écrivain de polar qui travaille sous le pseudonyme de William Wilson. Il a perdu sa femme et son enfant, et ne vit plus que en publiant de temps en temps ses romans de policier. Un jour il reçoit un coup de téléphone d'une certaine Virginia Stillman. Celle-ci compose par erreur le numéro de téléphone de Quinn alors qu'elle pensait téléphoner au détective privé Paul Auster. Daniel Quinn, au lieu de raccrocher et pour palier à son désoeuvrement, va sa faire passer pour ce détective et accepter la mission qu'on lui propose. Virginia souhaite qu'il suive le père de son mari, Peter Stillman, qui vient de sortir de prison. Il avait été enfermé pour avoir séquestré son fils pendant plusieurs années durant son plus jeune âge. Elle craint que le père en veuille toujours à son fils, qui porte d'ailleurs le même nom que lui, et qu'il veuille le tuer. Commence alors pour Daniel Quinn une longue filature à travers New-York, la cité de verre dans lequelle les reflets abondent. Mais Peter Stillman déambule dans la ville sans but apparent et ramassant ça et là toutes sortes de détritus sur lesquels il tombe. Daniel Quinn va essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête de Stillman, mais tous ses faits et gestes ne semblent avoir aucune logique. Daniel Quinn se perd de plus en plus, sombrant petit à petit dans la folie.
Nouvelliste d'origine, Tim Lane déplace son talent littéraire vers la BD : avec la puissance graphique d'un Charles Burns, son premier recueil d'histoires courtes sonde le mal-être des parias de l'Amérique, sous le double signe de la Beat Generation et du rock'n'roll. Noir c'est noir...
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