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clair de jour - Page 6

  • avis sur le livre Champsecret Gilles Leroy

    Dès lors qu’on passe à ce mode opératoire de s’épier soi-même, on entre dans l’errance de l’infinie filature : l’enquête sur soi, nul n’en connaît la conclusion.

    Journal ? Récit ?  Roman ? Tout à la fois, sans doute, écriture si proche de l’intime, de l’énigme de soi-même, et si éloignée, si étrangère à sa propre vie, à la propriété de sa vie qui se soumet si mal à toute résolution, ne plus fumer, ni boire, ne plus aimer, ne plus baiser. Aucune impudeur pourtant, malgré les récits de caresses, la description crue des corps et des désirs, les aveux de faiblesses ; aucune complaisance non plus en dépit des descriptions cliniques des crises d’angoisses. Ni honte ni fierté, en somme, ou bien les deux.

    Soigner ses rosiers, observer les oiseaux, planter des arbres en calculant qu’on n'atteindra jamais l’âge où ils auront grandi ; nager nu la nuit au barrage, ramener dans son lit de mauvais garçons qu’on reverra ou qu’on ne reverra pas, les aimer sans se l’avouer et s’interdire de se les attacher ; vouloir la solitude et son contraire, jouer le jeu de l’écriture, à fond ; pleurer pour rien (Retenir ses  larmes, ou l’envenimement, dit-il, le commencement de la violence), boire, fuir, rentrer chez soi ; avoir peur que sa chienne meure avant soi ; raconter la vie qu’on a, avec ses problèmes d’argent, l’amie qui meurt, les amours passées et la forme particulière qu’y prend certains jours la solitude, laisser la nostalgie venir et tâcher de lui échapper ; dialoguer avec Nego, ce double sombre du miroir.

     

  • Anna Rozen Vieilles peaux - suite

    vieille peau.JPG« Marthe et Ferdinand » est une nouvelle plus intimiste. On partage la vie de deux personnes âgées, en couple depuis quarante ans. On suit leurs travers, leurs habitudes : « quarante ans d'ail dans les carottes râpées, quarante ans de biscottes trempées dans du café au lait ». Tous deux vont au restaurant, une fois par an, le premier mai. Fernand joue aux boules, Marthe est obsédée par le ménage. Et puis, une brisure narrative, nette, qui tient en une proposition : « depuis que Marthe est morte ». S'en suit alors le récit accéléré des derniers mois de Fernand, puis nouvelle rupture : de nouveaux arrivants prennent la place des vieux dans la maison, mais conservent leurs habitudes : à se demander qui sont les vieilles peaux dans cette histoire...

                Dans un dernier récit, l'auteur s'essaye à un exercice de style. « Pas moi » est une visite guidée dans un musée de personnalités. L'auteur s'amuse à entrer dans une peau, puis tel un serpent, mue et en change. Elle prend la place d'un chat, d'Henry Miller, de la Bête (du conte La belle et la bête !), d'une vieille Américaine et même d'une chaussure ! Tout ça pour en arriver à la conclusion « je ne suis pas moi. Je suis tous les autres. Les autres sont moi. Donc il n'y a personne ». Si l'exercice de style est réussi, la lecture est plus laborieuse, car la narration est décousue, et au final reste une impression de longueur.

                Au final, retenons les deux premières nouvelles dont on garde un agréable souvenir, tant l'auteur parvient à manier le fond de la trame et l'art de la chute ! Dommage qu'il n'en soit pas de même pour « pas moi » !

    [références]

    • - Anna Rozen vieilles peaux

    • - Editions le Dilettante, 2007

    • - 223 pages, 16€

  • livre d'Anna Rozen : Vieilles peaux

    Anna Rozen, l'auteur de Plaisir d'offrir, joie de recevoir, ainsi que Méfie-toi des fruits livre ici un recueil de nouvelles au titre accrocheur : Vieilles peaux. On pense y trouver des scènes désopilantes, bourrées de cynisme sur les vieux ; il n'en n'est rien. Ces histoires sont au contraire pleines de compassion et de dignité.

                Dans « postérité », une écrivain qui n'est plus toute jeune s'entête à trouver un « exécuteur testamentaire » pour publier, à titre posthume, ses mémoires. Mais trop perfectionniste, égoïste et égocentrique, elle transforme l'expérience en un enfer quotidien...pour ses secrétaires ! Une belle occasion de réfléchir sur le rôle de ces fameuses « mémoires »... « Vous êtes horrifiée par l'idée de mourir [...] vous amassez, vous construisez une statue de papier [...] Vous n'aimez que vous, et encore, pas assez pour vous suffire de votre existence, il vous faut la postérité ». Paradoxalement, on s'attache à cette Cressida Bloom, dont l'amour-propre devient presque caricatural : ne préfère-t-elle pas conserver ses écrits plutôt que la vie d'un de ses secrétaires ? Au fil des pages, au gré des évènements,

    Cressida semble même triompher de la mort, la vieille peau faisant alors peau neuve.

    à suivre

     

  • Avis sur le livre : Marc Vilrouge Le livre impossible

     Le nouveau roman de Marc Vilrouge est une bombe, sur le point d'exploser. En deux actes, comme une pièce de théâtre, il en reprend le thème principal : l'illusion d'être soi. Le personnage principal, Flavien, ancien conseiller technique au chômage, auteur, à ses heures perdues, vit dans l'attente. Il mûrit son projet de « livre impossible », celui qui déchirerait à jamais ses rancœurs d'enfant, et briserait alors le monde dans lequel il tente d'être lui, étouffé par le destin que ses parents lui ont tracé.

    Pour fuir, pour se fuir, l'auteur en germe de l'Oeuvre se réfugie dans le sexe et la drogue, mais finit par rendre visite à ses parents, comme un retour à la case départ. Les blessures infligées à l'âme ne guérissent jamais et ressurgissent un jour, en éclatant, sous le joug de l'émotion. Flavien en fait la triste expérience en sombrant peu à peu dans la folie.

    Il est comme ce kamikaze, qui bien plus que son être, souhaite désagréger le monde tel qu'il le vit. Et c'est une série d'explosions discontinues plus qu'un feu d'artifice qui surgit alors et met en lumière l'Errance : celle de l'être prisonnier de lui-même et torpillé par le mal de vivre.

    Marc Vilrouge semble avoir réussi là où son personnage a échoué : il a écrit son « livre impossible ». L'écriture est écorchée, déstructurée. L'auteur effleure l'être et en tire toute la sève, jusqu'à la douleur. Ce n'est pas joli à lire et pourtant tellement vrai...On touche à l'essence.

    • - Marc Vilrouge le livre impossible

    • - Editions le Dilettante, 2006

    • - 93 pages, 12€

     

  • Avis sur PANGEE d’Alexandra Grondeau - fin

    pangee.JPGce livre est intéressant pour les interrogations qu’il soulève. Car Pangée n’hésite pas à poser ces questions que chacun s’est posé au moins une fois : Si Dieu est si puissant, pourquoi ? Pourquoi laisser les gens mourir ainsi ? La terre péricliter ? Pourquoi ne rien faire ?


    Un ami féru de théologie et ayant lu Les métamorphoses de Dieu de Frédéric Lenoir,  a une réponse à cela : le libre-arbitre.
    Certes…. Dieu nous a offert le libre-arbitre. Mais s’il est vraiment si Parfait et si omniscient, comment a-t-il pu nous offrir ce cadeau empoisonné, sachant ce qu’en fera l’homme ?
    J’irais même plus loin : si Dieu a réellement créer l’homme, et qu’il l’a fait à son image, pourquoi lui avoir laissé, à porter de main, le fruit de la connaissance ? Et pourquoi le punir d’avoir voulu lui ressembler ?
    Un peu comme de laisser un enfant affamé devant une tablette de chocolat en lui interdisant d’y toucher. N’y voyez-vous pas un certain sadisme ?

    C’est toute ses incohérences que pointe l’auteur du doigt, et c’est le point qui m’a paru le plus intéressant dans ce livre.

    Le second point intéressant, c’est le choix de Pangée. Alors qu’il pourrait bénéficier d’une éternité de bonheur, pourquoi avoir tant envie de retourner en Enfer (sur terre, donc) ?
    Les raisons soulevées par l’auteur m’ont parues intéressantes et cohérentes. Une éternité de contemplation et de béatitude contre une multitude de vies de passions, de bonheur, de peur, d’amour… d’émotion, quoi !

    Dans un premier temps, je détestais Pangée de refuser le cadeau qu’on lui faisait. Ne se rendait-il pas compte de la chance qui lui est offerte ? Mais en avançant dans ma lecture, j’ai finis par me ranger à sa pensée.
    Oui, la vie n’est pas facile. On souffre, on pleure, mais on connait aussi de grandes joies, des amours, et rien que ça mérite qu’on s’y attache.

    Il faut vraiment prendre ce livre sans trop y réfléchir. Il ne s’agit pas d’un débat théologique, ni d’un dénigrement du paradis. Juste d’une histoire fort sympathique sur le libre-arbitre de Pangée et les conséquences de ces actes.

  • PANGEE d’Alexandra Grondeau

    Je ressors de ce livre un peu déconcertée. L’histoire est parfaitement menée, montant crescendo au fil des pages avec un final assez explosif et stupéfiant.
    La plume de l’auteur est efficace, fluide et est arrivée à me faire croire être moi-même dans cet Éden qu’il décrit avec beaucoup de magnificence.

    Mais le point positif le plus important de ce livre, ce sont les personnages.
    Pangée, déjà. Trentenaire assez banal de caractère comme de physique, il est profondément athée et n’a aucun scrupule a railler ses amis croyants. Car Pangée ne croit pas en Dieu, déteste l’Église et proclame haut et fort que tout ceci n’est qu’une vaste fumisterie permettant à certains membres du clergés de s’enrichir sur le dos de  pauvres crédules.
    Qu’elle n’est pas sa surprise de se retrouver alors au jardin d’Éden, qualifié d’Élu et rencontrant Dieu.

    Dieu, également, est étonnement décrit. Sans réelle apparence, ce qui me parait cohérent, il est loin de l’être suprême sans peur et sans tache. Non, Dieu avoue s’être trompé avec l’humanité, avoue avoir envie d’abandonner, de prendre sa retraite. Mais le plus stupéfiant, c’est sa pensée. Dieu avoue n’avoir aucun contrôle sur l’Église, qui ne parle pas en son nom, puisqu’il n’a rien demandé. Il dit que, s’il souhaitait parler aux hommes, Il enverrait des prophètes, comme il l’a déjà fait.

    Je suis moi même athée. Je ne crois pas en Dieu, mais j’aime à penser à un paradis après la mort.
    Je me suis énormément reconnue en Pangée. Comme lui, je pense que La Bible est un livre écrit par des hommes pour les hommes. Que l’Église n’est pas vraiment un modèle à prendre pour les croyants, tant la corruptions et les inepties y règne .
    Cela n’engage que moi, et je respecte le désir de croyance des autres, qu’ils soient catholiques, protestants, juifs ou encore musulmans.

    Du coup, cette lecture m’a intriguée. Comme un homme qui a médit sur Dieu toute sa vie, qui continue après sa mort, et qui n’a rien fait de spécial toute sa vie durant pour les autres peut il être un élu, après 2000 ans sans qu’un autre homme soit autorisé dans l’Éden.
    Comment peut il être envisagé pour accéder à tout ce que Dieu lui promet (désolée, je ne souhaite pas spoiler le livre)
    Je n’ai pas saisie la morale de ce roman à ce niveau là, je l’avoue. Car elle reste obscure. La fin surtout.